La deuxieme partie du Perou etait la plus exaltante. D'abord parce que nous avons
franchi la fameuse cordillere des Andes, ensuite parce qu'elle cache des tresors
caches tels que Cuzco, le nombril du monde.
Le dimanche 22 decembre 2002, nous entamons donc la perilleuse montee de la
Cordillere. En quelques 80 km, nous engloutissons pres de 3500 m de denivellee !
Les virages sont secs et reservent de nombreuses surprises. Tous les sens sont donc
en alerte pendant que les muscles travaillent. Enfin, nous nous hissons jusqu'au col
Abra Condorcenca qui culmine a 4390 m ! Nous traversons la reserve nationale de
Pampas Galeras et croisons les premiers vigognes du voyage, sorte de gazelle a
fourrure peruvienne.
Nous atterissons a Puquio, dernier village important du cote ouest de la Cordillere.
Tres vite nous constatons le contraste entre ces gens de la cote et ceux de la
montagne, les serranos. Les premiers sont animes, ouverts et la bouche en coeur. Les
seconds ont l'air reveche, les visages cuivres et la bouche comme une cicatrice. La
communication est difficile et leur regard muet.
La route pour Chalhuanca est merveilleuse ! Certes, les motos a 4000 m d'altitude
manquent un peu d'oxygene, ce qui freine une bonne combustion de l'essence. Mais le
panorama est tellement beau. Nous nous posons un instant au bord d'un lac. L'eau est
etale, les montagnes silencieuses se cachent derriere des nuages cotoneux et
ventrus. Le temps n'a plus de mesure.
De Chalhuanca, nous empruntons un petit chemin vers des bains thermaux. La route est
cahoteuse et escarpee. L'endroit est charmant, mais sacage par un opportunisme
commercial vulgaire. La fummee qui s'evapore des bains se melange aux odeurs
d'urine. "Il est temps qu'un occidental reprenne le site pour en faire un lieu qui
respecte l'environnement !" ironise-t-on.
En redescendant la colline, nous evitons les tirs de la montagne qui vide sur nous
son chargeur de pierres... Mais Fabien freine pour recuperer un objet tombe de sa
moto. C'est celle d'Aurelien qu'il faudra surtout recuperer, car il est oblige de
freiner trop vite et chute ! A 20 km / h, il y a de la peur mais aucun mal.
Abancay est l'etape ideale pour passer Noel. Nous nous goinffrons des grillades
nationales, tentons, en vain, d'apprecier le vin peruvien et nous consolons avec
avec un foi gras offert par les parents de Fabien.
Mais notre meilleur cadeau de Noel est l'hotel tombe du ciel, qui nous dorlotte pour
seulement 10 francs.
Les cadeaux ouverts, Aurelien s'installe dans la cathedrale pour observer la
ceremonie de Noel. Pres de 600 personnes sont religieusement assises. Toutes sont
incas, sauf 4 blancs. Les 3 pretres et lui... Les poupees du Christ apportees par
chaque famille s'alignent autour de l'autel pour que les pretres les benissent.
Triste spectacle cependant que de constater que la genereuse chorale ne parvient pas
a etoufer les basses rythmees de la boite de nuit, qui a eu l'arrogance de se faire
remarquer en face de la cathedrale !
Reconfortes par 24 heures de repos, nous decidons d'aller camper au bord du Rio
Apurimac et de nous rechauffer dans les bains thermaux. Enfin un lieu qui respecte
la nature ! Les moustiques aussi malheureusement...
La nuit est une cacophonie de resonnances aquatiques. Nous sommes a la fois berces
par la riviere qui coule au pied de la tente et pertubes par les battements de la
pluie sur la toile qui lui sert de percussion wagnerienne ! En gros, nous n'avons
pas ferme l'oeil de la nuit et Thomas dormant dans la tente mexicaine s'est reveille
"mojado"* des pieds a la tete. Le lendemain, nous voyons rouge en constatant la
contellation de piqures qui a ravage notre peau !
Plutot que d'attendre le ravitaillement hebdomadaire du refuge, nous preferons
retrouver la civilisation ferme et partir a la decouverte du nombril du monde...
En arrivant dans la ville, nous comprenons sur le champ que nous atteignons une
etape precieuse du voyage. Suspendue a 3300 metres d'altitude, Cuzco regorge de
charmes, meme si c'est la premiere fois que nous avons l'impression de faire du
tourisme. La vie y est toute organisee autour et les occidentaux deambulant sont
aussi nombreux que les cusqueños vendant.
Le premier rencontre est Jeffrey, un americain venu s'installer il y a 20 ans au
Perou apres avoir commercialise la laine d'alpaca. Il possede un bar aux allures de
pub, denomme le Norton. Passionne par cette marque de moto, il aprendra bien vite
que la poderosa II du Che Guevarra et d'Alberto etait une Norton 500 ! Une info que
nous voulions rappeler a nos fideles et patients lecteurs. Car il ne faut pas
oublier que notre aventure a ete inspire en partie par celle du jeune Che Guevarra,
voyage initiatique qu’il raconta dans un livre captivant a devorer (Voyage en
motocyclette).
Nous decouvrons les photos de leur periple de 1953 grace a Jeffrey. Le Che a les
traits fins et le regard exalte. Alberto est trapu, les yeux petits et le regard
determine. Il donne l'impression d'etre le meneur.
Nous admirons toutes ces photos buvant une biere, gabarit Margarito. Ce nom
appartient a l'homme le plus grand du monde, un peruvien. A Cuzco, on dit aussi une
Manco Cappac, en hommage au chef inca qui a cree la ville et dont la statue protege
son entree.
Nous restons une bonne semaine a Cuzco et dormons dans une delicieuse suite pres de
la plaza de armas.
D'ailleurs, toutes les villes peruviennes ont une plaza de armas, nom donne par les
conquistadors espagnols a la place principale.
Notre oisevete nous permet de lire quelques unes des grandes pages de l'histoire du
pays. Les incas sont une civilisation recente, envahie au XVIeme siecle par Pizarro
le visionnaire. Les peruviens sont aujourd'hui schyzophrenes. Ils se pretendent tous
incas mais parlent la langue du conquerant. Leurs racines sont pourtant bien
vivantes, car tous parlent en plus le quechua ou l'aymera de leurs ancetres.
D'ailleurs, une des places importantes de Cuzco arbore un immense condor perche sur
une colonne, en hommage a cet oiseau sacre des incas.
Nous partons le dimanche pour le marche artisanal de Pisaq. Eric le belge nous
accompagne, avec pour simulacre de casque un chapeau mou. La route est belle et
facile.
Le marche est un album photo vivant ! Nous saisissons toutes les couleurs du Perou.
La journee continue dans les ruines de Pisaq, qui conservent les beaux restes d'une
forterresse inca. La lumiere douce du soleil sur les montagnes en terrasses
construites il y a plusieurs centaines d'annees cree un paysage magique.
Nous n'oublions pas de deposer sur la pierre sacree un objet personnel, sous l'ombre
du Che, ce qui nous apportera force et vitalite ! (instant immortalise sur une des
photos du site). Tout comme la muña des montagnes que nous respirons en marchant
d'ailleurs.
Le mardi, il pleut depuis l'aube et nous devons faire du rafting. Tant mieux car le
niveau de difficulte augmente. Tant pis pour le soleil...
Le bateau a l'eau, nous ramons de toutes nos forces pour y rester en dehors.
Certains passages sont difficiles, d'autres effrayants. L'adrenaline est a son
comble. Elle va prendre une douche froide apres avoir saute d'un pont. Mais Thomas
est acclame pour avoir ose un saut perilleux !
Le soir, le reveillon est au rendez vous. Nous nous regalons avec une variete de
grillades peruviennes : alpaca, cochon de lait et cochon dinde delicieusement appele
"couille" en peruvien...
Depuis qu'un feu d'artifice a Lima a cause la mort de spectateurs, aucune ville n'a
le droit d'en organiser. S'y substitue alors une myriade de vendeurs ambulants de
petards et fusees que les gamins consomment sans compter ni regarder. La ville est
un immense petard assourdissant et les explosions resonnent jusque dans le choeur de
la cathedrale ou l'on celebre une messe.
A minuit, une vague humaine se deroule autour de la Paza de armas. Thomas plonge
dedans et va y pecher sa sirene, la belle Eileen, pendant qu'Aurelien rentre vite se
coucher en pensant au lendemain, jour d'arrivee de sa motarde preferee...
Mardi 1er janvier, Sixtine descend de son quatrieme avion. Elle retrouve a Cuzco
avec un bonheur partage les bras de son homme, rase pour l’occasion. Ils
s’embrassent amoureusement et CENSURE.
Notre premiere journee avec notre motarde
de choc est bien remplie. Nous visitons les salineras de Marras. Au bout de quelques
kilometres de chemin de terre, se decouvre a nous un splendide panorama : un
kaleidoscope de cuves aux reflets argentes et ocres.
Nous poursuivons la route
jusqu’a l’amphitheatre de Morray, une belle construction preservee par les annees.
Le lendemain, nous sommes invites grace a Jacques chez une cusqueña, Maria,
dynamique chef d’entreprise de briques.
Le dejeuner est charmant car sans queue
ni tete. Chaque histoire drole racontee par une des convives est comprise de 4
facons differentes par nous et chacun attrape un mot connu pour le repeter et en
eclater de rire.
Nous sommes gates et digerons le bon repas dans le bus en route
pour Ollantaytambo.
Le site d’Ollantaytambo promet des merveilles. Perche sur une colline, il est
construit en terrasses. Mais le soleil parresseux ne nous a pas laisse le temps de
l’admirer pleinement.
Le lendemain, le reveil sonne a 5h et nous nous preparons a grimper vers l’un des
plus beaux sites du monde, le Macchu Pichu.
La marche est abrupte et difficile.
Nous baignons dans un melange de sueur et de pluie. Ce qui rend l’arrivee au sommet
d’autant plus exquise.
La brume qui habite le site preserve tout son mystere.
Comme si elle le protegeait d’une surtouristication. Le Machu Pichu est capricieux
et sa beaute est genereuse pour qui sait attendre l’eclaircie. Ce qui rend la
journee merveilleuse car ponctuee d’efforts et de recompenses.
La vue aerienne
depuis le Huayna Pichu merite tous les sacrifices. A verifier parmi nos photos bien
sur ! Il ne reste de cette ville aucun toit, car fabriques de chaumes et donc
ephemeres. Mais l’on parvient facilement a s’imaginer la vie inca circulant dans ce
labyrinthe de pierres, dont certaines atteignent des tailles astronomiques.
Le
soir, pendant que Fabien se relaxe dans les sources chaudes du coin, Sixtine,
Aurelien et Thomas reprennent le train.
La descente vers Cuzco l’endormie se fait en crabe, car le fort denivele de la pente
ne permet pas de construire des virages.
Le lendemain, journee d’amoureux.
Sixtine et Aurelien retournent a Pisaq, pendant qu’Eileen et Thomas partent se
ballader.
Tous se retrouvent en fin d’apres midi sur le site de Saccsahuaman, que
les puristes prononcent "sexy woman"... L’endroit parfait pour dire au revoir a
Cuzco et sa valle sacree, qui nous a gate pendant toute la semaine.
Voici la deuxieme partie du Perou qui se termine...
Trepignez d’impatience chers
lectrices et lecteurs, car votre curiosite sera tres bientot assouvie ! Une
troisieme et derniere partie sera en ligne depuis l’autre bout du monde dans
quelques kilometres...